Pourquoi il faut relativiser la risque d’une troisième guerre mondiale

Dans 21 leçons pour le XXIe siècle, l’historien Yuval Noah Harari consacre un chapitre à la thématique de la guerre et à son appréhension pour le siècle à venir. Il revient sur la peur d’une troisième guerre mondiale en relativisant avec pour argument fondamental le changement de conception de la guerre.


Cadrage du livre

Dans son livre 21 leçons pour le XXIe siècle, l’historien Yuval Noah Harari, déjà connu pour ses livres Sapiens et Homo deus, nous livre un portrait sur les défis auxquels est et sera confrontée l’humanité durant notre siècle. Pas question d’imposer un quelconque avis ici, mais seulement de présenter quelques portes de réflexion bien que toute l’idée derrière son écrit est de nous dire que l’humanité est connectée et plus ressemblante que différente, et qu’elle a besoin de cette solidarité pour se confronter aux enjeux de demain.


Lecture conseillée et source : Yuval Noah Harari, 21 leçons pour le XXIe siècle (éd. Albin Michel), chapitre 10 : « La guerre », p. 189-199. Chapitre accessible dès le niveau de Première-Terminale et qui explique que la risque d’une troisième guerre mondiale est plus minime qu’on ne le pense.


La guerre n’a plus la même finalité que par le passé

Yuval Noah Harari dans 21 leçons pour le XXIe siècle différencie la guerre de nos jours à celles du passé. En évoquant les triomphes romains jusqu’à 1914, l’historien explique que la guerre par le passé était un moyen de prospérer puisque l’économie était avant tout matérialiste. Ainsi, conquérir un territoire permet d’en prélever les ressources et d’imposer, avec plus ou moins de difficultés, une autorité sur des populations qui deviennent elles-mêmes des ressources (humaines, fiscales…). En 1914, début de la Première Guerre Mondiale, il remet en contexte l’idée que les élites ont en tête que la guerre victorieuse est un des moyens de renforcer concrètement son territoire, son autorité, sa légitimité au sein de son pays et à travers le monde. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, la guerre est davantage un bourbier et on le verra. Les peurs aujourd’hui d’une troisième guerre mondiale sont récurrentes. En réalité, quand on parle des élèves de la guerre, tout de suite ceux-ci pensent à la guerre mondiale : évidemment, cela marque, choque et est un événement constamment repris dans la pop culture.

Yuval Noah Harari relativise l’idée d’une future guerre mondiale dans son chapitre. Il explique qu’aujourd’hui, la guerre est un bourbier pour les grands États modernes. Il revient sur le fait dans le passé récent, aucune invasion et aucune guerre n’ont été victorieuses et ont permis un enrichissement conséquent d’un État. Si les exemples du passé sont nombreux, telle que la conquête de l’Ouest par les États-Unis ou les différentes colonisations de l’époque moderne, les exemples du passé récent sont difficiles à trouver. Plutôt, c’est la paix dans un monde à l’économie globalisée qui permet aux économies de s’enrichir comme ce fut le cas pour la Chine. Quand des pays se sont lancés dans des guerres, à l’instar des Etats-Unis, elles lui ont coûté beaucoup plus chères qu’elles ne lui ont rapportés. Le cas du Moyen Orient est l’exemple le plus relaté : les Etats-Unis ont échoué dans cette région et les puissances régionales qui sont devenues les plus puissantes le sont devenues par défaut, puisque les concurrentes se sont appauvries à cause de la guerre. La guerre est un bourbier : elle coûte chère et si autrefois s’installer dans un territoire et le dominer permettait d’en extraire les ressources, aujourd’hui, ces ressources extraites ne permettent pas aux grands États modernes de rentabiliser leur occupation. Une occupation qui est elle-même extrêmement difficile puisque occuper un territoire fabrique une résistance. Il y a bien un exemple d’exception développé par Yuval Noah Harari d’une conquête victorieuse et récente par un grand Etat moderne d’un territoire, c’est l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. Néanmoins, après avoir développé le contexte rarissime dans lequel l’annexion s’est déroulée sous le silence mondial, il rappelle que malgré cette victoire, la résistance qui s’est développée, les coûts de la guerre et la destruction du territoire n’ont pas permis de rendre cette annexion rentable. À cela s’ajoute dans une économie globalisée toute la machinerie de sanctions internationales et d’un isolement de plus en plus fort qui contraignent la Russie à moins avoir de liberté pour développer ses stratégies.

La guerre est un bourbier

Ainsi, outre le fait que l’enrichissement par la guerre est un moyen dépassé, Yuval Noah Harari développe les deux grandes autres idées qui font que le risque d’une troisième guerre mondiale reste plus minime qu’on ne le pense. D’abord, le développement de la cyberguerre. Ce moyen d’action récent qui n’existait pas dans le passé permet une riposte de l’ennemi n’importe quand et n’importe où. La cyberguerre peut déstabiliser un pays et est un moyen d’action très difficile à combattre, bien plus qu’une poche de troupes ennemies résistantes qui se cachent dans une forêt. Dernière grande idée qui est la plus connue, celle de la potentielle guerre nucléaire. Les grandes puissances depuis 1945 essaient de faire fonctionner dans le nouvel ordre mondial le plus possible la diplomatie car la dissuasion nucléaire présente un atout qui est aussi son défaut : la menace d’une catastrophe.

Et depuis la guerre en Ukraine ?

Yuval Noah Harari a écrit son livre 21 leçons pour le XXIe siècle en 2018. Depuis, la Russie est entrée en guerre contre l’Ukraine et menace d’une guerre nucléaire. Que peut-on en tirer comme leçon ? Déjà, grâce aux éléments que nous connaissons, on peut encore affirmer que le coût de la guerre est plus important que son enrichissement potentiel. La Russie, bien qu’elle mène le jeu militaire dans les provinces de l’est de l’Ukraine, a perdu de nombreuses troupes et beaucoup d’argent pour en récolter probablement des régions désertées et totalement détruites qui prendront du temps à se reconstruire. De plus, la Russie s’est davantage isolée – bien qu’elle reste en contact avec une partie du monde notamment les autres pays du BRICS. Les sanctions qui sont appliquées contre elle ont encore des conséquences difficiles à déterminer mais ne doivent pas faciliter ses stratégies. La menace nucléaire qu’elle a faite n’a pas été réalisée et la question du coup de bluff se pose véritablement. En tout cas, ce sont bien les voies diplomatiques et économiques qui sont privilégiées plutôt que l’affrontement militaire direct. Retenons d’ailleurs les chiffres que l’historien donne et qui permet de relativiser en quelque sorte la puissance de la Russie qui compte cinq fois d’habitants et dix fois moins de dollars que les États-Unis et l’Union Européenne (de solides alliés) réunis. Ce d’autant plus que le poutinisme, ancré dans un nationalisme qui par définition isole, n’est pas une idéologie qui attire d’autres pays. Enfin, la technologie de la Russie reste limitée dans les nouveaux domaines de la technologie de l’information, notamment civil, qui sont pourtant l’économie d’aujourd’hui. De nos jours, la Russie, impérialiste et attaquante, essaie de faire ce que tous les autres grands États modernes font et qui explique pourquoi une nouvelle guerre mondiale est minimale : limiter l’extension du conflit. Il n’en reste pas moins que, ne pouvant prédire l’avenir, le risque n’est pas non plus impossible. Néanmoins, ce chapitre a l’avantage de prendre du recul sur cette idée.

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