Journaliste militant, un métier universel

Vendredi 17 janvier. Alors que le président de la République Emmanuel Macron assiste à une représentation au théâtre des Bouffes du Nord, des manifestants dans ce climat social extrêmement tendu depuis une année, exacerbé par la réforme des retraites, sont venus clamer leur colère. Emmanuel Macron a dû être évacué et l’Élysée a fait arrêter Taha Bouhafs, journaliste. Placé en garde à vue pour « participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations. »



Les médias se sont emparés de l’affaire. Préférant accuser le journaliste de militant que de réfléchir à l’autoritarisme de cette décision antidémocratique et liberticide. Faire arrêter un journaliste parce qu’on le soupçonne d’avoir diffusé une information qui n’a pas plu au pouvoir est ce qu’on appellerait dans les pays émergents, un état autoritaire. « Le controversé activiste et « journaliste militant » de 22 ans » (NouvelObs). Ci-dessus, Le Figaro, BFMTV et LCI qui insiste dans leur titre sur son caractère militant.

Non-conscient de se poser les mauvaises questions, la classe médiatique joue de son hypocrisie. S’il n’est pas caché que Taha Bouhafs a des idées politiques bien rangées – militant raciste et journaliste des luttes – il en n’est pas moins d’une classe médiatique qui se fait croire objective. Alors que ces médias tentent de décrédibiliser le journaliste en l’accusant d’être à l’origine des manifestations, d’autres journalistes d’organes de presse indépendants comme David Dufresne ont, avant d’accuser et de publier des articles pour faire le buzz, mené leur enquête. Rapporté par CheckNews, l’organe désintox de Libération, il s’avère que ce n’est pas Taha Bouhafs le premier à avoir signaler la présence du président au théâtre. C’est dire non seulement la précipitation de l’État sans avoir mené d’enquête de faire arrêter un journaliste. C’est dire aussi la précipitation, le manque de déontologie et de sérieux des organes de presse qui n’ont pas mené consciencieusement leur enquête.



Il convient d’interroger ces notions de militantisme. Même le plus doué des hypnotiseurs ne pourraient rendre un journal non-militant. Tout d’abord parce que la plupart ont été fondé avec une ligne politique bien établie. Que aujourd’hui les médias sont aux mains de puissants qui les rachètent non pas pour le peu de bénéfices qu’ils rapportent mais pour avoir la main sur le quatrième pouvoir. Aujourd’hui, il y a ce qu’on nomme une ligne éditoriale pour chaque journal : le mot gentil pour exprimer la ligne politique de celui-ci. Ceux qui la prêchent sont les éditorialistes. Ceux qui ont abandonné toute déontologie journalistique pour se faire le porte-voix politique d’un journal. Le journal cependant se prétend toujours objectif. Là est l’hypocrisie. L’objectivité n’existe pas et les journalistes ne peuvent oublier et ne pas émettre leurs considérations politiques et sociétales. Déjà lorsqu’ils choisissent leur lieu de travail : un journaliste de droite n’ira pas travaillé chez Le Monde tout comme un journaliste de gauche n’ira pas travaillé au Figaro. La différence réside donc entre ceux qui se déclarent ouvertement militant, comme Taha Bouhafs. Et ceux qui se prétendent objectifs alors qu’ils ne le sont pas. Il est plus dangereux de prêcher une parole faussement objective à un public que de lui parler avec des mots dont il connaît l’origine.

Sans doute qu’une part du militantisme provient du terrain. Le terrain ne peut laisser un humain chaud ou froid. Son travail en sera affecté, l’humain ne peut laisser passer l’occasion de sensibiliser le public à ses idées, encore plus quand son public est large grâce à la portée de sa prétendue objectivité. Être sur le terrain, c’est vivre son travail. Intensément. C’est être militant. Si les médias accusent aujourd’hui un journaliste de militantisme, l’idée derrière n’est pas qu’ils prônent leur objectivité mais traduisent un détachement structurel au travail de terrain. Ces propos méritent d’être étayés dans un futur article, mais le travail de terrain des journalistes a profondément reculé au profit d’une reproduction médiatique de personnels cloués au bureau, gavés de dépêches AFP.

En résumé. Le journalisme militant est universel. Alors que Taha Bouhafs a été placé en garde à vue après des manifestations, la classe médiatique s’empare de l’affaire et catégorise le journaliste comme militant. Une hypocrisie de la part d’un métier qui prêche faussement l’objectivité.

Photographie : © LUCAS BARIOULET / AFP

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