« Si vous allez voir le « Joker » de Todd Philipps vous n’en sortirez pas indemne. Vous contemplerez autour de vous les rues en vous demandant non pas si elles vont s’embraser, mais dans combien de temps. » (France Culture)

Titre : Joker
De : Todd Phillips
Avec : Joaquin Phoenix, Robert de Niro
Genre : Drame
Sortie : 9 octobre 2019
Durée : 2h02
Synopsis : Le film, qui relate une histoire originale inédite sur grand écran, se focalise sur la figure emblématique de l’ennemi juré de Batman. Il brosse le portrait d’Arthur Fleck, un homme sans concession méprisé par la société
Monstrueusement puissant
Je n’ai pas décroché une seule minute. Ce personnage du Joker qui ne m’est pas familier, je le découvre à travers les traits d’un Joaquin Phoenix excellent. L’histoire d’un clown qui s’est pris la vie, la société en pleine face. Un homme qui voulait bien faire, qui avait des projets, mais qui dès sa naissance à sa délinquance n’a pas eu de chance. Une société qui, lui et ses compères, l’invisibilise, lui crache à la gueule. Un personnage pour lequel j’ai de l’empathie autant que je suis opposé à ses choix de vie. Cette sensibilité envers le Joker est un sujet fondamental de l’œuvre de Todd Philips, et c’est cette ambiguïté dans notre relation à ce personnage qui devrait rester l’épicentre de sa narration. Il en est des heures qui pourraient être comblées par une discussion autour de Joker. Car ce film est puissant. Il est puissant à propos du message qu’il transmet, de la réflexion qu’il émet j’aime particulièrement la citation ci-dessus car elle résume le tout. Puissant par son idéologie mais aussi par son scénario. Je ne connais pas le Joker, vaguement je sais qu’il est l’ennemi juré de Batman, qu’il avait un problème psychiatrique. J’en suis donc d’autant plus scotché que de découvrir sa vie, si pleine de colère et d’injustice.

Quand la vie te crache dessus
Années 70. Dans Gotham City, ville où la pauvreté marque son règne, où la décrépitude en est la princesse et l’injustice la reine-mère au point d’en être un enjeu d’élections municipales. L’humoriste raté qu’est Arthur Fleck, aux antécédents psychiatriques et au rire nerveux, essaie de faire sa place dans une petite entreprise clownesque. Mais la vie lui crache à la gueule, et ce depuis son enfance. C’est le biopic d’un homme qui n’a rien demandé mais qui emmagasine quotidiennement les dérives de la société jusqu’à sombrer dans la folie, dans la délinquance, dans le crime. Le Joker devient l’icône d’un combat contre l’injustice, un semeur de troubles inatteignable, impossible à évaluer ; qui parmi ses gestes démesurés et une vie en marge du commun, reste lucide dans sa réflexion et embrasse la folie en se laissant envahir. C’est un personnage qui me passionne et que je souhaite découvrir davantage.

La photo au service de la psyché
La réalisation de Joker et sa photographie sont magnifiques. Splendides. Soigneusement travaillées pour mettre en exergue un homme maltraité, un homme fou. Avec des chants qui accompagnent. Une musique et une chanson agréables, une danse minutieuse qui s’allie parfaitement à la folie du clown, à son côté dérangé, qui lui donne un côté théâtral, un spectacle ravissant. Ce maquillage aussi, au schéma simple mais au ton réaliste. Un film que j’aurais bien envie de revoir un jour, parce qu’il puise dans une certaine vérité, une réalité qui n’est peut-être pas aussi éloignée que l’on pourrait croire. Derrière, il y a un fond, et c’est ça qui le rend puissant.
Un succès dépendant à Batman ?
Le Joker aurait-il eu autant du succès sans l’univers dont il est une empreinte ? Le film d’un homme sociopathe qui glisse vers la folie et le meurtre nous aurait-il tant touché et bouleversé si on ne savait pas ce qu’il se passerait ensuite ? Cette œuvre est un début de biographie du Joker, elle reste centrée sur lui, mais elle se sert de son univers pour construire une image qui n’aurait pas eu la même valeur, ni la même puissance dans l’existence de l’homme chauve-souris.